La commercialisation du breuvage
Si le petit village de Boveresse a été incontestablement le haut lieu helvétique de la culture de l’absinthe (grande et petite) et d’autres plantes aromatiques, il n’a jamais abrité de grandes distilleries industrielles.
En 1852, une dame Chastain, qui avait inauguré l’année précédente la culture de l’absinthe à Pontarlier même, vendait cette plante un sou la livre, mais à perte. Elle disait que si elle arrivait à la vendre deux sous, elle serait en gain. Cela faisait, en effet, un prix de 20 francs les 100 kilos, qui eût été rémunérateur. Depuis, la valeur de cette matière première n’a cessé d’augmenter et s’est élevée successivement à 30, 40 et 75 francs. En 1906, à la suite d’un été particulièrement chaud et favorable à la maturation, les prix de 80, 85 et 90 francs ont été atteints dans le Val-de-Travers, c’est-à-dire aux portes de Pontarlier, au lieu de 45 et 36 francs, comme quinze ou vingt ans plus tôt » (Edmond Couleru, op.cit., 1908).
Dès 1884, Schumacher (1828-1902), d’abord distillateur et cabaretier à Boveresse, s’établit à Fleurier où il construisit l’actuel Buffet de la Gare (La Pagode d’Or) et le No 1 de la rue du Progrès à l’usage de distillerie, reprise dès 1887 par son gendre Jean Ammann (1862-1935) – allié Amélie-Mathilde Schumacher -, puis par Charly Fatton.
Du cultivateur au distillateur
Toute la production «herbagère» des quelque 25 cultivateurs de la localité était commercialisée par des négociants en gros (Louis Petitpierre-Barrelet, les frères Henry, Alexis et Auguste Barrelet, le grainier Aeschlimann, Paul Vuillemin, E. Jacot-Guillaume, etc.) qui fournissaient en matières premières les distillateurs de la région et, en partie, ceux de la Franche-Comté: Berger, Pernod fils, Edouard Pernod, Legler-Pernod, Kübler & Romang, Henny; Ammann, von Almen, Dornier-Tüller, Bolle, Sandoz, Giovenni, Bovet & Cie, Duval, Borel-Pettavel, Haag, Loup, Bader, Roessinger, Besson fils & Cie, Rosselet-Dubied, Dubied père et fils, Lecoultre, Yersin, Fraissard, etc.
A titre d’exemple, l’historien Louis Favre donne une idée de l’importance de cette petite culture, qui écrit en 1864: «Ainsi, ces 90 ou 100’000 livres d’herbages obtenus sans grande peine et sans grands frais, et dont une grande partie est expédiée à l’étranger, font entrer dans le Val-de-Travers une somme de 40 à 50’000 francs par an».